Z - DAY 39


Lève-toi et marche

Ce n'est pas la forme
Ce n'est pas la nuance
Fréquence, intensité, durée
Assez pour abattre ou pour libérer

Je ne sais pas quelle posture adopter pour que ça passe
Je ne sais pas quoi penser pour oublier
Je ne sais pas quoi prendre pour devenir autre
Je sais qu'il y a des débuts (hier) des fins (demain ?)
Qui ne changent rien

Il faut que j'aille vérifier si je suis terminé
Mais je n'ai même pas le courage de me lever
Et quand je finis par me lever, par y aller
C'est par automatisme et sans réponse

Ce n'est pas la bonne voie

Il y a des plantes domestiquées qui poussent
Un peu partout
Certaines se font un peu ronger par des insectes
Mais elles poussent, elles fleurissent, elles couvrent

Il y a des moments où le ciel devient bleu et calme
Où le chat s'allonge à l'ombre et m'écoute écrire
Où la brise n'est ni trop vive ni trop fraîche
Il y a des moments qui seraient parfaits sans mal

Quand les éléments n'ont rien d'agressif
C'est la voie de la terre qui se dessine
Être assis devient supportable
Les deux pieds à plat sur le sol
À quelques pierres du contact pur

Mais les éléments ont des phases
Et la suivante est déjà annoncée
Ce que cela me donne de la connaître
Ce que cela me prend

Ce n'est pas la bonne voie

Il y a des livres ouverts sur la table
Je pourrais les lire sans effort
Ils sont tous dans une de mes langues
Mais ils n'ont d'intérêt que pour l'esprit détaché du corps
Celui que j'ai offert il y a longtemps déjà en pâture aux chiens

Je pourrais oublier d'écrire
Oublier comment, oublier pourquoi
Essayer d'oublier que c'est un devoir
Le seul qui ait quelque sens quand on y pense
Devenir lecteur universel
Mais il y a déjà plein de livres ouverts sur la table
Et plein d'autres encore sur les rayons
Qui n'aident en rien mais dont chaque page exige
Que j'essaye de faire mieux, plus beau, plus vrai
Et puis tout ce monde à lire
Dont la vraie lecture est une écriture
Et dont l'écriture est une relecture
Tous ces mots dont on ne sort pas
Moins en peine

Il y a la musique que je pourrais
Écouter, étudier, rechercher, collectionner, cataloguer
Qui pourrait me prendre
Pour peu que j'arrive à monter le son
Mais le son fait mal
Et trop de notes ne résonnent qu'en des fibres saines
Le plus beau morceau
Celui qui a ouvert un jour tous mes pores au froid divin
Me laisse impassible
À me demander comment j'ai pu m'y trouver si loin

Il y avait le vin
Jusqu'au jour où j'ai dû prendre des choses
Qui l'ont rendu amer
Et même avant il n'y avait qu'un peu de vin
Accidentellement
À la faveur d'un répit gastrique

Il y aurait le pain
S'il ne devait pas passer par ce système
Il y aurait toutes les saveurs, toutes les odeurs
Toutes les textures dans la bouche
Si ça pouvait s'arrêter là

Il y aurait un buste heureux
Et l'enfer en bas
Si l'enfer ne remontait pas
Jusqu'aux tempes et dans la nuque
Sur le front il n'y aurait de rides
Que pour le soleil et pour l'âge

Il y a une utopie là-haut
Et une cascade de compromis
En bas les tourbillons du mal
À la sortie imprévisible
Des torrents, jamais des rivières

Il y a des vagues sans plage
Des nausées sans vomissure
De la fumée sans feu
Une asphyxie partielle et jamais mortelle
Une pendaison à l'élastique
Un sommeil sans repos
Une fatigue sans effondrement

Ce n'est pas une voie
C'est une jungle circulaire
Au long rayon sans dimension
Au sol couvert de réponses rares
Indéracinables

C'est un lieu que je suis faible d'imaginer
Faible de décrire
Fort de savoir m'y sacrifier
Si je pouvais

Ce n'est pas une voie
Il n'y a qu'à marcher pour qu'elle devienne
Le plus beau des parcours
Il n'y a qu'à savoir marcher
Il n'y a qu'à pouvoir se lever
Le plus simple est le plus difficile
Le plus difficile est d'être simplement autre

Z - Days 37 & 38 Z - Days 40 to 44

© 2000 Pierre Igot

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