C - DAYS 9 & 10


Ça avait pourtant bien commencé. Après le matin tendu de la vieille, la paix (relative, comme toujours) était revenue l'après-midi et même la promenade sportive, pourtant problématique ces temps-ci du fait de ses conséquences sur le dos, n'avait pas réussi à perturber l'équilibre fragile entre la colonne vertébrale et le ventre, qui s'était confirmé le soir lors de la préparation du repas, de sa consommation et de sa première digestion.

Ça a même continué à se confirmer le matin, lorsque, après les quelques moments difficiles habituels (mal de dos, sensibilité gastrique, tournis) et un petit-déjeuner pourtant légèrement plus copieux que d'habitude (c'était dimanche, il fallait oser), tout s'est presque apaisé et j'ai pu travailler sans discontinuer et de façon très productive jusqu'au repas de midi. Le repas lui-même s'est aussi relativement bien passé, pour autant que je me souvienne, et le début de l'après-midi ne m'a pas semblé différent du précédent.

Méfiant, quand même, je me suis dit qu'il valait mieux attendre la fin de la journée pour se prononcer sur ce qui aurait été la première journée « bien » depuis longtemps. J'ai bien fait.

En fin d'après-midi, j'ai pris à nouveau (pour la troisième fois de suite, depuis le déplacement) le risque de la promenade sportive et ai été forcé de constater, une fois de plus, l'effet néfaste de la chose sur mon dos — plus marqué que la veille, malheureusement. Je me suis quand même dit que tout n'était pas perdu et que ce n'était, après tout, qu'un mal de dos qui pouvait passer. La préparation du repas (que des choses saines, comme d'habitude, je n'insiste pas) et l'écoute du Requiem de Mozart de Herreweghe chez Harmonia Mundi (que je n'avais pas encore eu l'occasion d'étrenner et qui ne pouvait pas ne pas me prendre et m'égarer un peu loin de tout cela) et de Daho sur TV5 (bizarre, quand même, cette voix, pure et fragile, mais de belles variations chromatiques dans le morceau, m'a donné envie) n'ont pas réussi, cependant, à masquer le retour progressif des signes avant-coureurs d'une « crise ». J'ai essayé de prétendre, en me couchant, que tout allait aller bien, mais je savais très bien que ce ne serait pas le cas.

Et bien sûr, ce matin, ça a de nouveau été l'effondrement. Pire encore : ça a été la première attaque de panique depuis très longtemps. Jusqu'à présent, depuis l'arrêt du prédécesseur de C, malgré les montagnes russes psychosomatiques des derniers mois, je n'avais eu, au pire, dans les moments de crise, que de petites « poussées » dans la nuque — cette impression que la colonne vertébrale essaye de pousser ses larmes par derrière pour venir faire pleurer ces yeux qui sont malgré tout trop loin. Ce coup-ci, pas de larmes, oh non, je n'y arriverais même pas si je me forçais, mais, dès que j'ai fini mon petit-déjeuner et que je suis venu m'asseoir à mon bureau pour commencer à travailler, des douleurs à la fois souterraines et violentes, ravageuses sans éclater au grand jour, dans le dos, dans le ventre, dans la poitrine, des sensations étranges de froid, de faiblesse un peu partout — trop d'assauts venant de tous côtés pour que je tienne. Je ne sais pas si la grisaille et le vent froid (pour la saison) et fort dehors y ont aussi été pour quelque chose, mais ils n'ont sûrement pas aidé.

La crise a duré assez longtemps pour que j'essaye de joindre C. au téléphone avant le début de ses cours pour lui parler un peu. (Normalement, j'essaye d'attendre que « ça passe » tout seul, comme un grand, n'est-ce pas.) Elle a proposé de rentrer mais je lui ai dit d'attendre un peu. Comme de juste, au bout de quinze minutes, le calmant du matin (le seul, le dernier, mais comment oser essayer de s'en passer dans de telles circonstances ?) — à moins que ce soit le C pris en même temps, ce que j'espère pouvoir vérifier très bientôt — a sans doute commencé à faire son effet et les choses se sont stabilisées.

Le reste de la journée ne s'est pas trop mal passé. Je ne suis pas allé me promener. Ce n'est pas l'idéal, mais ça tient. Seulement, cette crise a ouvert une brèche. Psychologiquement, il faut maintenant aller de l'avant. Faire quelque chose. Ça ne peut pas durer. On peut essayer d'attendre bien sagement que le C se décide enfin à agir, mais on peut aussi se dire que le C ne résoudra rien, que le problème sous-jacent restera le même, quel que soit l'effet bénéfique du C. Et on peut décider de ne pas trouver ça acceptable. On peut se fâcher contre tout cela. On peut consulter des pages et des pages sur le Web, former des hypothèses, envisager des tests, des scénarios de traitements, téléphoner au médecin, exiger un rendez-vous le plus tôt possible (dans quatre jours !) — et c'est ce qu'on a fait toute l'après-midi.

Alors maintenant on va non seulement vérifier que sa merde ne cache pas du sang, mais aussi qu'elle n'héberge pas des intrus indésirables rapportés des tropiques. Non mais c'est vrai, quoi. Y a trop de coïncidences.

De joyeux prélèvements en perspective.

C - Day 8 C - Days 11 & 12

© 2000 Pierre Igot

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