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On passe par tant d’espaces pour la seule gloire du nombre, sans égard pour la forme, pour l’atmosphère, comme s’ils n’étaient espaces que parce qu’on y passe, pour qu’on y passe — alors qu’ils se contredisent, qu’ils s’annulent réciproquement et qu’on tourne en rond. On propose une issue différente et on se fait regarder par terre, là où les parcours se creusent à la main et les voies s’effacent à mesure qu’on réutilise leur espace pour ce qui vient (sans laisser de trace), de sorte qu’on reste loin de ce qui ne peut s’atteindre sans témoin. On touche alors la joue tendre de la femme-enfant qui ne prétend pas comprendre et à qui on n’a rien à pardonner, on ne lui dit rien, elle sait tout de ce qu’il n’a jamais fallu désapprendre mais qu’on prenait plaisir à déconstruire. On prend moins plaisir, on le donne plus, on en prend à le donner, on découvre la télépathie par les orgasmes, l’envie d’étreindre pour être l’étreinte, pour être l’étreint, on se confond parce qu’on est distincts à se répondre, on se parle, on parle d’atteindre, on atteint par la parole, d’autres négocient. D’autres négociaient sans fin tandis que nous faisions ce qu’il est convenu de faire quand il pleut, quand il fait chaud, quand il neige, parce qu’il est clair que nous sommes de ceux (de celles) pour qui il est bon de jouir, d’effacer l’envie par l’emprise pendant la fin des produits. Mon organisme continuera de subsister quoi que j’endure, pour peu que l’équilibre reste en faveur, mais un jour il commencera à dire, en des termes irrévocables, que l’heure de la destruction organisée des produits a sonné. J’irai voir et de mes mains sales je presserai sur les tombes luisantes en chantant des arbres. On dira que la perspective est ridicule. On regrettera d’avoir pris les armes, d’avoir jamais mis les pieds. Je n’ai jamais prétendu être source d’inspiration. Mais j’existe et sans ces produits je digère comme un nouveau-né le bleu, la couleur du sang de ceux (de celles) qui nous rejoignent alors que nous nous engageons dans l’axe d’une rotation animale au milieu des plantes. La fin des produits (et de la productivité) marque le retour en force de la production, de cette façon innocente de diriger la matière pour lui donner des idées propres. Je n’ai jamais cru, jamais pensé que les objets auraient une âme. Je suis convaincu, par contre, qu’ils ont l’âme qu’on leur donne et que la fonction qui les habite peut s’en nourrir pour renverser des montagnes d’indifférence par la seule force de son existence. Prenez, par exemple, ce dispositif que j’ai conçu pour lui tenir les lèvres écartées pendant que j’insère un doigt, deux doigts, parfois trois, pour goûter à l’intérieur de l’esprit sans passer par la langue (qui ne va pas bien loin, forcément). Il s’agit d’un objet tout simple, qui s’insère parfaitement entre ses cuisses et remplit sa fonction sans lui tirer la peau ni exercer de pression excessive sur les chairs en retrait. Ce qui compte, dans cet objet, ce sont sa conception et sa production, ce n’est pas le produit lui-même que je ne vais me mettre ni à vendre ni à collectionner (sans parler de ces absurdes histoires de fétiches). Non, ce qui compte, ce n’est même pas son nom, dont le choix même relève d’un arbitraire « commercial », c’est la facilité avec laquelle il écarte, comme je lui ai appris à le faire lors de sa fabrication, les peaux lâches qu’un objet de conception plus centrale (et plus traditionnelle) irriterait (sans l’aide d’un autre produit, dont nous évoquerons la fin une autre fois). Dès qu’on le sort de son tiroir, qu’on le déploie, c’est déjà tout le désir sexuel que j’ai mis à l’élaborer, à le construire, qui envahit l’atmosphère et se communique à ses usagers. (J’ai essayé de le relier à Internet, mais les outils nécessaires pour le faire me rappelaient trop ma recherche éperdue d’un vieux mouchoir effiloché dont j’avais besoin d’urgence pour me soulager sans trop rien tacher.) (interrompu) |