SANS ÊTRE VU
Découverte


Il aurait fallu dépenser sans compter ou tuer sans voir. Il aurait fallu être sain en toute innocence ou assez fou pour ne pas répondre. Il aurait fallu se plier aux obligations.

Au lieu de cela, on s’est interrogé sur des choses simples, sur des morts évidentes. On s’est dit préoccupé par la tournure du destin des autres. On s’est penché en avant — et on a vu l’abîme.

Rien de nouveau à cela. Rien de nouveau à cette perte irréversible de l’équilibre qui ne comptait pas. Désormais, on patauge, mais la vase est réelle, collante, facile à rincer, idéale. On distingue au loin des formes qui auraient pu être belles — si elles avaient été plus proches, si on pouvait encore bouger, si on veut, si on y croit. Leur éloignement spatial est, reste et sera toujours proportionnel, d’une manière ou d’une autre, à leur éloignement dans le temps. Alors, à quoi bon compter deux fois ? Pour vérifier ? Y a-t-il vraiment le moindre doute sur la précision de la mesure ?

En fait, il y a doute sur la profondeur de l’oubli. Il y a soupçon que tôt ou tard toutes les visions cauchemardesques vont refaire surface et alors, bien fin sera celui qui trouvera encore une excuse pour parler d’autre chose.

En attendant, le temps passe et l’espace l’accompagne à sa manière et le paysage que, hier encore, j’essayais de photographier, de fixer sans pellicule, mais avec toute la force de ma volonté d’être sensible, ce paysage se défait et se reforme régulièrement comme un film sans dénouement, sans durée, sans début ni fin, mais jamais cyclique, toujours autre, même quand il semble parfaitement identique à ce qu’il a déjà été.

Decouverte

Alors la terre s’offre en partage à ceux qui cessent de la violer pour mieux la voir. Alors le ciel se dégage et devient l’appel pur et sans nom du fini des astres. Alors la nuit compte et s’effiloche en n’allant nulle part mais en reprenant sa vigueur originelle et en s’ouvrant à ceux qui ont décidé d’aller s’y perdre.

Alors le vent consomme la dernière allégorie verticale qui osait défier le sens des lumières et son soupir vient se dissoudre dans une bouche fraîche et laiteuse qu’on a habituée au plaisir. Et peu importe la façon. Peu importe le procédé employé, l’échauffement. La bouche est chaude, claire, lucide, blanche et depuis ce matin n’a plus besoin qu’on y respire pour sentir le souffle de vie qui la traverse et vient nourrir les pensées en chaîne.

On ne se prive pas. Derrière le fil décousu se cache une texture dont on ne se rassasie plus. C’est la découverte du siècle. Fini les récits, les structures. Fini les lois, les ordures. Fini le pointé du doigt, fini le doigt. Fini la mélodie qui se dévide. Fini le nombre.

Le temps est une supercherie — et tout ce qui s’ensuit. Ma tante m’a rendu visite hier et sera là demain. Comme Noël. Comme la fin de l’école. Comme la maîtresse. Comme son regard plein de tendresse et aussi — un peu — d’amour. Fini les chambres où l’on venait se cacher ensemble. Fini les lits de fer et le jeu des glandes. On ne rit pas. J’étais grand parfois.

Muriel se promène et me tire par le bras. Elle et Laurence se parlent bas. Je suis froid. Muriel ne sait pas. Que j’aime ça. Que j’aime Laurence et que Laurence ne m’aime pas. Muriel m’en voudra, quand je lui dirai : « Pas pour toi. » Mais Muriel reviendra. Seule Laurence a le droit d’être là. Le matin, je crois. Le soir, quand les figures se gênent, j’ai mes draps.

Et vingt ans plus tard, j’ai la preuve que tout est plat. Sauf la texture. La texture sans quoi le plat dure. Entre deux grains le nom persiste. Mais le mou n’a rien. Les grains s’aiment. Les grains sous mes doigts s’enchaînent. Jusqu’au bout des plaines.

Decouverte

Ce qui est idiot, c’est que je pourrais faire l’effort d’être avec vous cent fois. Mais rien dans ma vie ne guide — et c’est tant mieux. Je n’ai pas la peine de mes croix.


SANS ÊTRE VU :
|| Accueil || Liste alphabétique || Liste chronologique ||


LATEXT:
|| Home / Accueil || Help / Aide || Contact || Site Map / Plan du site || Updates / Mises à jour ||


Webmaster / Responsable du site :
http://www.latext.com
© 2001 LATEXT - All Rights Reserved / Tous droits réservés