SANS ÊTRE VU
Changer de trace


Lecture de « Changer de trace » (fichier MP3 - 4 min 31 sec - 4,6 MO)

Il suffit de se donner le temps de fuir, de s'absenter sans être vu et tout l'horizon des possibles se dégage. L'un d'eux se rapproche déjà, d'ailleurs. À distance, comme tous, il me convient. Mais de près ? Autant ma vue courte les croit tous semblables et beaux, au départ, autant elle s'impose, dès le premier contour définitivement net, la plus stricte des exigences.

Celui-ci me semble pouvoir faire l'affaire. Ni trop large ni trop pointu. Au premier abord, il paraît modeste dans ses attentes, mais le premier véritable contact le rend sévère. Pas question de faire le beurre mou. L'ensemble sera ferme jusqu'au bout.

Au moindre manque de préparation, c'est une odeur âcre qui se dégage, comme un signe que le but ne pourra être que partiellement atteint. Mais la même menace pèse encore quand tout est prêt. À toutes les étapes, il faudra s'assurer qu'aucun obstacle ne vienne gêner la complémentarité des axes d'exploration.

L'affaire est déjà bien engagée. La température extérieure est devenue indifférente. La signification des gestes ne dépasse plus leur fonction. Les bruits ne peuvent plus qu'être harmonieux.

Il se produit un léger glissement, qui semble vouloir mettre en cause la pertinence des efforts d'alignement.

Et si l'alignement n'était possible que jusqu'à un certain point ? Et s'il y avait des limites physiques à l'expérimentation circulaire ?

Mais non. La rotation reprend et l'intensité du partage n'a pas faibli. Le contact n'a été interrompu que dans la partie extérieure de nos trajectoires. Au centre vertical par lequel nos envies se joignent, l'enchaînement des résonances se poursuit. Il n'est même plus nécessaire d'envisager l'utilisation d'accessoires. Cette perspective — qui ne nous a jamais ralentis — et les autres racines virtuelles du pouvoir que nous avons acquis sont devenues interchangeables. Notre couleur est désormais dense et claire.

J'ai toujours cru à l'existence et au caractère irréversible des plateaux. Mais cette expérience continue et fluide me détrompe. Le rapprochement progressif est devenu empilement successif sans qu'aucun élan n'ait eu à changer de nature. Il n'y a pas eu de « rejet » ni de blocage temporaire et intempestif. Notre préparation, dans toute sa simplicité, était parfaite. C'est du moins ce que nous sommes forcés de croire. S'il y a eu des étapes, cela n'a été le cas que dans notre perception des choses. Au centre déduit, tout se renforce.

Nous sommes tout près du but. Chacun de nos mouvements identiques suffit à le répandre tout autour de notre espace intime. Il se présente comme notre destination inévitable, quelle que soit la forme que prendra notre effacement ultime. Il n'est pas question pour nous de choisir cette forme et encore moins de décider du moment exact où l'effacement se produira. Tout ce qu'il nous faut savoir, c'est que tous les risques ont été éliminés.

Le néant s'avance et sa beauté ne nous a jamais semblée aussi évidente. Nous sommes à la fois tristes et ravis, gelés et liquéfiés, noirs et transparents, distants et infinis. Nous y plongeons comme si nous y étions déjà. Nous ne savons plus ce qui est entré ni ce qui est sorti. Le canal creusé refond le niveau des surfaces. Je sais exactement ce qui s'est passé et je n'en ai absolument aucune preuve. Je suis plein de ce que je croyais empli. Nous nous prenons pour le même point. Nous sommes ronds d'une sphère rompue à toutes les orbites. Le rythme est partout et c'est le même, à tous les timbres. Nous regardons nos propres sangs changer de trace. La nouvelle est universelle.

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