Z - DAYS 106 TO 108


Grave erreur, comme toujours, de croire que les choses se calment un peu, alors qu'elles ne font que se cacher, pour ressurgir quand bon leur chante, en plus horrible encore, si c'est possible, je ne sais plus ce qui est possible ou pas, combien de douleur on est censé arriver à « accepter » comme ça.

Une autre journée horrible, donc, à frôler l'au-delà de la douleur. Si seulement je pouvais l'atteindre et qu'on en finisse. Je ne sais pas ce qu'il recèle, mais cette comédie devient de plus en plus insupportable. Si je deviens fou avant que la maladie m'ait fait découvrir ce à quoi elle sert, je serai bien avancé.

Bien sûr, il y a toujours la possibilité qu'elle ne serve à rien et que cet au-delà n'existe pas — que la douleur suive une espèce d'hyperbole qu'on ne peut qu'interrompre tout net. Mais je ne sais pas et il n'y a qu'un moyen de savoir : continuer, continuer d'attendre, continuer d'attendre en se battant, continuer de se battre en attendant. Cela donne un sens et cela enlève tout sens à chaque minute, à chaque heure, à chaque journée qui passent et qui n'annoncent pas la moindre résolution.

Je ne sais pas ce qui me donne la force de continuer. Je crois bien que je préfère ne pas savoir, croire que ce sont des choses nobles.

Quand l'agression est intérieure, peut-on encore parler d'instinct de survie ?

Quand on a toujours une érection le matin en se réveillant (même si on n'en fait rien), peut-on vraiment parler de maladie ?

Quand cela dure depuis des années, que cela ne change pas vraiment de nature, juste d'intensité, comment se fait-il que cela fasse encore aussi peur ?

............

J'ai cru que je connaissais le mal
Je croirai l'avoir connu
Il n'y a que maintenant que je peux prétendre
Il n'y a que maintenant que je n'en vois
Ni l'intérêt
Ni l'utilité
Ni les conséquences aux extrémités

J'ai mal
J'ai peur
Je suis las
Je ne vois pas d'issue
Je ne tire aucun réconfort des progrès factices
Je pars
Je vais voir
Je ne sais trop que croire
Je n'ai guère d'espoir
Je ne sais pas ce qui pourrait m'en donner

Je parle à des murs et ils me répondent
J'ai bu son cul brun quand elle était blonde
Je fais dans la rue au milieu du monde
J'ai graissé mes mains au milieu des rondes

Maintenant je peux être saisi par tout
Tous les orifices, tous les objets

............

RAGE DE PINGRE

Je veux donner tout ce que j'ai pour te voir recrucifié, mais cette fois de façon irréversible, avec de la colle de synthèse s'il le faut, de celle qui tient vraiment et qui dure aussi longtemps qu'un bout de plastique qui refuse obstinément de se biodégrader.

Je veux que tu sois seul, absolument seul, qu'on en finisse avec ces hallucinations qui te trouvent toujours en bonne compagnie, même avec tes ennemis, je veux que tu sois seul parce que tu ne comprendras pas la merde dans laquelle tu nous as foutus mais que tu en souffriras quand même tout aussi intensément. Il faut qu'il y ait quelque chose dans cette merde qui fasse qu'on en souffre autant quand on ne la comprend pas que quand on la saisit dans toute sa splendeur.

Comprends-moi bien, je ne veux tout ça ni pour toi ni pour moi, je ne le veux ni pour les débiles présents ni pour les générations futures, je le veux pour la satisfaction intense que ça procurera à ceux qui ne peuvent plus exister à cause de toi et qui ne t'en veulent pas parce qu'ils ne te connaissent pas — mais surtout parce qu'ils n'existent pas (et c'est là ta chance, ton ignoble chance).

J'en ai assez de te voir dans la forme de chacun de mes gestes, de chacun de mes objets, dans l'intensité de chacune de mes crises, dans la dose de chacune de mes drogues, je t'écrase entre deux seringues mal aiguisées sur lesquelles il reste des aspérités microscopiques qui vont te faire encore plus mal qu'un aplatissement pur et simple entre deux lames lisses et droites.

L'imperfection n'est pas de ce monde. Chaque être, chaque nuage est aussi plein de toi qu'il peut physiquement l'être et il est temps qu'on passe collectivement à la phase de rejet qui effacera ton nom des dictionnaires.

Je ne t'en veux pas, tes intentions étaient louables, semble-t-il, c'est juste qu'il n'y a jamais eu personne pour les louer. Tes intestins, par contre, méritent qu'on s'y attarde, parce que ça fait trop longtemps que tu digères trop facilement ces aliments que tu n'as même pas appris à mâcher convenablement.

Un de ces soirs, je vais te gaver de pierres, je vais te noyer dans du shampooing antipelliculaire et personne ne rira parce que ça fait vraiment trop longtemps que tout le monde attend ça, même — et surtout — ceux qui ne le savent pas. On organisera une grande fête circulaire où personne ne dansera (tu as fini par « autoriser » les danses), où la communion des âmes se fera à coups de tête pour un méchant tacle.

Il faut aussi que je te parle de la lumière. Tu nous as bien eus avec tes menaces d'obscurité, de cécité, de silence noir. La vérité, c'est que ton noir n'est pas plus noir que toi et que toi, tu n'es pas plus noir que le silence qu'il a fallu t'accorder pour le dire.

Les derniers temps, j'ai senti comme une progression, une précipitation, je me demande si c'est toi qui as commencé à avoir peur ou si c'est simplement le réajustement de nos regards à la lumière (pas la tienne). Nous ne sommes qu'un certain nombre, mais toi, tu n'as que des zombies à la traîne, armés d'hystérie, et tout ça va finir dans une grande orgie qui sera bien agréable à regarder à la télé. Il faudra bien nettoyer après, mais on a la nature de notre côté. Nos diarrhées feront plus d'engrais que tous tes ossements calcinés. Elle en mettra du temps à se refondre dans le spectre, ta couleur. Ça t'apprendra à inventer des longueurs d'onde en forme de prière.

J'aimerais dire quelque chose de gentil pour finir, mais cela ne pourrait porter que sur les arômes de tes pollutions nocturnes et ça te ferait encore trop plaisir, même dans l'état où tu es. Alors je vais me taire et je ne crois pas qu'on se reparlera de si tôt. Parce que, en me taisant, je prends la parole avec moi, je ne t'en laisse pas un morceau. Essaye voir d'halluciner les foules avec ton silence magique qui se distingue de la connerie comme les hauteurs de l'altitude où tu exploses. Trop peu de pression, mon cher, trop peu de stress. Tu n'as pas songé à tenir compte de cette évidence-là. Et voilà.

Moi, je remballe, ça va encore me prendre quelque temps, qu'est-ce que ça fait, on n'est pas à deux ou trois siècles près, ceux qui meurent avant le voyage font partie des bagages, ça ne te serait jamais venu à l'esprit, ça, hein, une générosité si totale qu'elle arrive même à s'offrir.

Mais je garde ça pour moi. J'ai pas confiance. J'ai parfaitement confiance en ma méfiance. Tu es cuit. Absolument cuit. Cuit comme un jeu d'usine en plein troupeau de vaches à morve. Have a nice ice age.

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© 2000 Pierre Igot

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