Z - DAYS 84 TO 88


Une crise de plus
Ou de moins
Un cri perdu
Un cri trop loin

Progrès qui n’étaient qu’un répit
Temps démasqué qui n’est qu’un cycle
Temps de voir que la terre est ronde
Que la carte plate est complète

Parler pour tracer au devant du cercle
Penser pour changer d’échelle

Un tour de plus
Ou de moins
Selon la distance
Qui reste parcourue

Mots arrachés comme des pelures
Idée fixe et multiple inépuisable


Absolument marre. Ça ne peut pas durer comme ça quand même. Quelques jours de (maigre) répit et paf ! Une nouvelle crise, aussi intense que la précédente, sinon plus, qui dure des jours et des jours. Investigations qui n'avancent pas. À court d'idées, d'envies d'essayer, d'espoir.

Le père de C. en visite pendant quelques jours. Presque quatre-vingts ans, plusieurs problèmes de santé bien « visibles » (problèmes cardiaques, rénaux, etc.), mais, comparativement, il est dix fois en meilleure forme que moi. Il le sent bien, à me voir affalé dans ma chaise ou dans mon fauteuil ou blotti dans les bras de C. Ce n'est sans doute pas pour rien qu'il est reparti un jour plus tôt que prévu. Il m'aime bien quand je suis drôle, que je plaisante avec lui et avec C., que je cuisine de bonnes choses, etc. Mais là, à quoi bon. C'était presque à lui de me remonter le moral. Ça n'avait pas de sens. Je ne lui en veux pas le moins du monde d'avoir un peu fui la compagnie d'une telle loque. À son âge, il n'a pas besoin de voir ça au quotidien en plus de tout ce qu'il a déjà à supporter en lui-même.

Comment peut-on être aussi malade et ne rien pouvoir faire ? Ça n'a pas de sens. Forcément, nouveau pris de pensées sombres, très sombres. Nouveau très angoissé. Pris deux calmants au lieu d'un hier. Ça a aidé un peu, pendant quelques heures. Est-ce vraiment tout ce que je peux faire ? Me gaver de psychotropes jusqu'à ce que je sois devenu un zombie ? C. dit qu'elle n'abandonnera jamais, mais au rythme où ça va, c'est moi qui vais devoir lui dire de laisser tomber un jour, parce que, à force de se faire du mauvais sang, elle va se rendre malade elle aussi.

Marre. Vraiment marre. Impuissance. Rage lasse. Écoeurement. Non, vraiment : que faire ? Comment ne pas penser à tout laisser tomber, dans de telles conditions ? Comment ne pas pleurer ? Comment ne pas cracher sur l'absurde et aller voir dans les nuages ?

Ce n'est plus tellement du mal de dos, ces temps-ci — encore que — pas aussi violent que par le passé, disons. La piscine, sans doute. La glucosamine, peut-être. C'est surtout un sentiment d'écoeurement, de malaise constant, qui fait perdre tout intérêt aux choses, aux personnes. C'est un malaise physique, mais il est tellement central, tellement près de ce qui régule l'humeur qu'on ne peut que brasser des idées noires, en cercle, sans issue. Que fait le Z dans tout ça ? Je n'en sais rien. Mais, à 200 mg par jour, on se dit qu'il pourrait avoir de meilleurs résultats. Alors on recommence à se demander s'il ne faudrait pas changer de médicament. Mais on ne veut pas repasser par une période transitoire de panique, de fragilité pendant l'ajustement, on ne s'en sent pas la force. On est coincé, quoi. On est dans la merde.

C. ne sait pas quoi faire et il lui arrive régulièrement de craquer, elle aussi. Encore hier. Ça n'a pas duré, elle s'est ressaisi. Mais quand même. Ça ne peut pas continuer éternellement. Un jour, quelque chose va craquer. Je ne sais pas quoi, je ne sais pas chez qui, mais ça va arriver. Si on ne trouve pas d'autre solution.

Ce soir, c'est moi qui ai craqué. Parce que je croyais pouvoir passer une soirée tranquille après une journée houleuse et que ça m'est quand même retombé dessus. Quand je vous dis qu'il y en a marre. J'ai passé presque une heure, dans les bras de C., dans notre nouvelle véranda, dans la pluie et dans le vent, à pleurer, à dire des choses sombres, à sombrer. On a fini par aller se coucher et dormir. Mais rien n'est résolu. Au contraire. C'est plus que jamais la crise.

Z - Days 79 to 83 Z - Days 89 & 90

© 2000 Pierre Igot

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