Z - DAYS 68 & 69


Phase un peu bizarre. Pas d'énorme douleur au dos les deux derniers jours. Je la sens parfois pointer, mais c'est comme si j'arrivais, en me concentrant sur mes efforts pour détendre, relâcher les muscles du bas du dos, à l'empêcher d'exploser. Je ne sais pas si c'est une pure illusion ou si c'est vraiment quelque chose que j'arrive à faire. D'autre part, ça fait maintenant presque une semaine que je prends le M et mon activité intestinale s'est donc (un peu) calmée, ce qui pourrait aussi expliquer le changement. Et puis, ça ne fait que deux jours. N'en tirons donc pas de conclusions trop hâtives, n'est-ce pas.

À la place de la douleur dans le dos et de la fin de digestion incontrôlable, j'ai maintenant des sensations différentes dans le ventre, comme des plages de chaleur qui surgissent puis se résorbent. J'ai aussi des bouffées de chaleur au visage, par la même occasion, ainsi que des frissons sur le côté droit ou gauche du visage ou sur le cuir chevelu, sans raison, comme ça. Et surtout l'anxiété a fait son retour, certes pas sous la forme aiguë de la panique, mais sous une forme plus modérée mais plus constante. J'ai donc constamment peur d'avoir plus peur, mais, pour l'instant du moins, je n'ai pas vraiment encore paniqué.

Il a fallu que je me concentre à la piscine, hier, parce qu'il y a quand même eu toute une série de douleurs impromptues, susceptibles de provoquer à chaque fois une montée d'adrénaline incontrôlée. Mais, à chaque fois, j'ai réussi à me raisonner, à me dire que ce n'était qu'une « petite » douleur qui allait passer, quelle que soit sa cause. Tout cela, bien sûr, tout en nageant avec agilité, fluidité et apparente facilité sous le regard ennuyé du maître-nageur, qui ne se doutait pas le moins du monde du tumulte intérieur que vivait ce nageur particulier (pas plus, en tout cas, que je ne devinais moi-même les pensées des autres nageurs, évidemment).

Pas de piscine, aujourd'hui, pas de sortie du tout, d'ailleurs. Simple anxiété du malade chronique qui reste chez soi et qui continue de travailler comme si de rien n'était. Je ne pense pas que la présence des ouvriers change grand-chose — sauf lors du repas de midi, évidemment, que nous prenons ensemble sur la terrasse (ou dedans quand il fait mauvais) et où je me laisse à chaque fois entraîner par la conversation que je me sens moi-même obligé de mener. C'est que j'ai toutes sortes de choses à leur apprendre, n'est-ce pas, sur les ordinateurs, le Mac, Microsoft, Bill Gates, le foot, la France, la bouffe, etc. Et ils ne se font pas prier. Alors je m'emballe, je fais des plaisanteries, je raconte des histoires — et le temps passe et nous rapproche un peu plus du retour toujours rassurant de C.

Je pense toujours au calmant et à la possibilité d'en prendre plus. J'y pense à chaque fois que l'anxiété atteint de nouveau un certain seuil, certes encore assez bas, mais significatif quand même. Je suppose que, d'une certaine manière, je me retiens aussi d'en prendre plus pour avoir la possibilité d'augmenter la dose une fois que les ouvriers seront partis pour de bon, si jamais je me trompe en ce qui concerne l'effet « rassurant » de leur présence. Je ne peux pas vraiment me faire confiance dans ce domaine.

Coup de fil quotidien ce matin à la secrétaire de Dr M. Répondeur. Je laisse un message. Elle me rappelle une heure plus tard en disant que Dr M. lui a dit qu'il avait « de nouvelles informations » pour moi et qu'il allait m'appeler aujourd'hui. Elle m'assure que, s'il n'a pas appelé avant midi, elle lui laissera de nouveau un message lui rappelant de le faire.

Il est 17 h et il n'a toujours pas appelé.

Qu'est-ce que vous voulez que je fasse.

Soirée pas trop agréable, hier soir, avec trop de douleurs abdominales et surtout dans la poitrine, là où il ne faut pas, là où ça fait peur quoi qu'on se dise, de quelque façon qu'on essaye de se rassurer. Ça faisait quelque temps que je n'avais plus eu ce type de douleur. Comme d'habitude, rien dans ce que j'ai mangé qui semble pouvoir expliquer. Me suis forcé à corriger quelques textes au lit avant d'éteindre, « à travers » la douleur. Cela ne la fait pas passer, cela ne l'atténue pas, mais ça me donne au moins un peu quelque part le sentiment de pouvoir continuer à mener un tout petit bout de vie « normale ».

Dormi convenablement malgré tout, mais réveillé fatigué, comme C., d'ailleurs, qui n'a pas eu le courage de se lever tout de suite pour aller faire sa marche. À la place, elle est venue s'offrir à moi, par-dessus, je lui ai pétri et sucé les seins comme si ma survie en dépendait, elle a continué ainsi à se donner à moi jusqu'à ce que j'aie tout pris, et nous sommes restés encore quelque temps allongés, entrelacés.

Il a ensuite fallu une nouvelle fois se mettre debout, faire le lit, commencer à marcher, aller se débarbouiller, se mettre à vaquer aux occupations habituelles et voir si la raideur, la douleur et les étourdissements du lever allaient passer, comme ils le font plus ou moins bien chaque jour avec l'aide des médicaments et de la nourriture. Tout est dans le « plus ou moins bien », évidemment.

La soeur de C. est censée appeler ce soir, pour discuter de la question de savoir si on va m'envoyer dans une clinique aux États-Unis ou non. Difficile de savoir quoi penser. Tout dépend du moment de la journée, de la journée de la semaine, du point de vue qu'on adopte sur l'« historique » de ce qui s'est passé depuis janvier.

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© 2000 Pierre Igot

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