Z - DAYS 50 & 51


C'est ennuyeux, mais je me sens de nouveau plus mal. J'ai un peu trop mangé et trop bu lors de la soirée de la quarante-neuvième journée (toutes proportions gardées) et j'ai eu assez mal au ventre sur le coup et mal au dos après la nuit de sommeil, mais je pensais que les choses étaient progressivement passées hier.

Je suis aussi allé quatre jours consécutifs à la piscine, faisant chaque fois trente longueurs par séries de dix avec quelques instants de détente entre chaque série, et c'était peut-être un peu trop. Je me sens toujours bien dans l'eau, je sens que la force, l'endurance me reviennent petit à petit — mais je ne sais pas m'arrêter, je ne me rends pas nécessairement compte que je « force » peut-être un peu et que je vais en subir les conséquences plus tard. C'est en tout cas ce que j'ai ressenti hier après-midi, lors de la quatrième fois. La douleur sous le bras gauche est revenue, avec un peu d'intensité. Rien de bien grave, mais suffisamment pour que mon bras gauche se mette à hésiter à pousser, à tirer, suffisamment pour déséquilibrer la nage et pour susciter des interrogations. Qu'est-ce qui a réveillé cette douleur ? Qu'est-ce que cela veut dire ? Qu'est-ce que je devrais faire maintenant ? Est-ce que je devrais sortir tout de suite de l'eau ou faire quand même mes trente longueurs ?

En l'occurrence, j'ai quand même fait mes trente longueurs, en peinant un peu puisque je n'avais plus la fluidité, la souplesse nécessaires. Je me suis senti modérément bien en sortant, j'ai pris ma douche, je suis rentré, on a fait à manger, j'ai mangé — et là, j'ai commencé à sentir un blocage, de nouveau. Pas avec d'autant d'intensité que, mettons, il y a quelques semaines, mais quand même. Parfois, le blocage passe et tout rentre dans l'ordre, alors je me contente généralement de m'asseoir et d'essayer de me détendre.

J'ai mangé un dessert (les restes du gâteau au chocolat de la veille) et je n'aurai peut-être pas dû. En tout cas, le blocage ne s'est pas arrangé. Oh, le fait de s'être assis a soulagé certaines choses, mais il n'a pas réglé le coeur du problème. On s'est mis à regarder une stupide comédie française de et avec Pierre Richard, qui ne faisait pas vraiment rire, même en se forçant, on aurait sans doute dû arrêter, mais on a continué jusqu'au bout, et, pendant ce temps, le blocage s'est aggravé, a pris une forme différente, est venu se concentrer sur le côté gauche de mon ventre, dans l'intestin, à l'endroit où j'ai souvent cette douleur intense qui me « mange » de l'intérieur. Tout est une question d'intensité. Là, en l'occurrence, c'était fort, trop fort, et j'ai commencé à craindre de nouveau une « crise ».

Comme de juste, à peine le film terminé, la crise s'est bel et bien déclarée. Symptômes habituels : étourdissements, bouffées de chaleur, faiblesse, douleur dans tout le dos... J'ai pris deux paracétamols, on est allés se coucher et on a éteint assez tôt, vers 10 h 30. J'ai réussi à dormir, assez lourdement, avec un ou deux réveils passagers et incomplets, et je me suis réveillé assez tôt, avec assez peu de douleur dans le dos ou dans le ventre, en me disant que c'était passé. Un peu d'anxiété à l'idée de l'après-midi seul sans C., pour cause de réunion, mais sans plus.

Et puis on s'est levés, j'ai commencé à manger mon petit-déjeuner, à prendre mes pilules, et là j'ai senti que, non, ce n'était pas passé, que c'était bel et bien une crise que j'étais en train d'avoir. Sensation de lourdeur, léger étourdissement, frissons, douleurs dans le dos, ventre coincé... L'anxiété est montée d'un cran, évidemment. Avec le calmant, j'ai quand même pu entamer la matinée à peu près « normalement » (je dirais « en sauvant les apparences » s'il y avait des apparences à sauver, mais en l'occurrence il n'y a que moi devant cet écran et juste un coup de fil de temps en temps auquel il n'est pas difficile de répondre sur un ton neutre qui ne dit rien.

En ouvrant mon courrier, j'ai trouvé un message de S. m'avertissant du message surprise de P. sur son site. J'ai sincèrement été touché. Mais ça ne m'a pas fait me sentir mieux. C. est partie faire quelques courses rapides. I. s'est arrêtée en passant pendant que C. était partie et nous avons un peu discuté. Elle n'a pas pu s'empêcher de noter que je n'avais pas l'air bien. J'ai dit ça à C. quand elle est rentrée et elle a protesté, en disant que ce n'était pas vrai, qu'I. exagérait.

Quoi qu'il en soit, la fin de la matinée et le repas de midi ont été assez difficiles. J'ai eu une grosse bouffée de chaleur à un moment pendant le repas, mais je ne l'ai pas laissée me décourager totalement. Les choses sont un peu passées avec le café. C. est partie à 1 h pour sa réunion et je suis retourné au travail. J'ai bien eu un petit noeud dans le ventre, mais rien de dramatique, somme toute. Mon dos a essayé à deux ou trois reprises de me faire plus mal, mais j'ai réussi (sans savoir comment, comme toujours) à l'en empêcher ou en tout cas à laisser passer la douleur. En revanche, après avoir recommencé à boire de l'eau, une heure et demie après le repas environ, j'ai commencé à ressentir les signes familiers d'un gros « besoin » et, comme de juste, je me suis bien vite retrouvé assis sur la cuvette à produire un tas de merde aussi informe et aussi volumineux que dimanche dernier, alors même que j'étais déjà passé aux toilettes ce matin pour un besoin « normal ». Cette diarrhée et la puanteur des pets sont un mystère, quelque chose de vraiment inhabituel pour moi, surtout sur une période aussi longue. Je ne vois vraiment pas ce qui, dans ce que je mange, dans les médicaments et les suppléments que je prends, pourrait tout d'un coup avoir déclenché cette nouvelle phase.

Heureusement, il n'y a pas de sang dans les selles et je ne me sens pas particulièrement plus mal après le passage aux toilettes (pas particulièrement mieux non plus, ceci dit).

Je crois bien que les êtres anxieux comme moi finissent par s'habituer à leur situation, quelle qu'elle soit, parce qu'ils savent qu'elle ne va pas durer éternellement et surtout que, si elle n'a pas empiré pendant les premières heures, il y a de bonnes chances qu'elle n'empire pas pendant les heures qui restent. C'est en tout cas ce qui s'est passé pendant la deuxième moitié de l'après-midi. C. a téléphoné vers 4 h pour voir comment ça allait et je n'ai pu que dire que ça pouvait aller. Elle est rentrée une heure plus tard et le « test » n'a donc pas eu de conséquence catastrophique.

La question est maintenant de savoir si les choses vont s'améliorer dans les vingt-quatre heures qui viennent ou si la « crise » n'a pas encore dit son dernier mot. Si les choses s'améliorent, alors je pourrai honnêtement dire que le Z semble avoir un effet significatif pour ce qui est de diminuer l'impact des crises quand elles se produisent. Il ne permet pas de les éviter, il n'élimine pas complètement les moments de forte angoisse quand la douleur est à son comble, mais il a un effet suffisamment important pour que j'en arrive à penser que « ça va aller », que les semaines, les mois qui viennent vont être gérables et qu'on va peut-être même, lentement, tout doucement, avec quelques cahots encore, évidemment, revenir à la situation acceptable de l'an dernier.

J.W. n'a pas pu beaucoup m'aider hier, simplement parce que, selon elle, il faut quand même au minimum une demi-douzaine de sessions avant que son approche marche, si elle doit marcher. Je lui ai parlé de la rentrée, évidemment, de mes appréhensions. Elle a insisté sur le fait qu'il fallait que j'aie un « plan de secours » en cas de grosse crise, qu'une crise de panique, ce n'était, de ce point de vue, pas différent d'une crise d'asthme, que, quand ça arrive, si c'est trop fort, si on perd la maîtrise des choses, on a besoin d'une aide extérieure. Elle a aussi indiqué que la prise d'un deuxième calmant l'après-midi était effectivement envisageable comme mesure provisoire — même si, pour le moment, j'ai quand même envie d'essayer de m'en passer.

J'ai trouvé que la session d'une heure était passée trop vite, comme les sessions avec Dr A., j'espère quand même que je n'aurai pas cette impression trop souvent, que j'aurai assez vite l'impression d'avancer, d'aller quelque part. Mais il est vrai qu'on n'a pas encore vraiment « commencé ». Et puis au moins c'est moi qui ai parlé, autant, sinon plus qu'elle. Elle voulait surtout savoir comme s'étaient passées les choses depuis la dernière fois, comme ça faisait quand même trois semaines. Je la revois dans deux petites semaines. Elle ne peut pas faire mieux que ça.

On attend toujours des nouvelles du neurologue de H*** pour mes radios de la colonne etc. Dr W., le gastro-entérologue, m'a renvoyé auprès d'un de ses collègues, un certain Dr T., d'après lui « spécialiste » de la colopathie fonctionnelle, en lui demandant de voir s'il pensait que les nouveaux médicaments qui apparaissent sur le marché en ce moment pourraient m'aider — ou encore si la technique du « biofeedback » pourrait m'être utile. Mais là encore, ce sera sans doute une attente de plusieurs mois avant le premier rendez-vous avec ce nouveau médecin. En attendant, mal de dos, mal de ventre, et mes efforts parfois désespérés pour « maîtriser » la douleur et l'anxiété et la dépression qu'elle provoque et arriver malgré tout à vivre.

Z - Days 47 to 49 Z - Days 52 & 53

© 2000 Pierre Igot

Retour au tableau chronologique

Retour à la page titre