Z - DAYS 16 & 17


Deux nouvelles journées correctes. Toujours très raide le matin au réveil et pas mal de douleur dans le dos, mais ça n'empire pas vraiment une fois qu'on se lève. Pour comparer à samedi dernier, je suis de nouveau allé chercher le journal au bout du chemin ce matin. Même raideur, même faiblesse que la semaine dernière, mais sensation moindre d'épuisement après l'« effort », impression de récupérer plus rapidement.

Retour à Y*** hier pour rencontrer l'infirmière, très gentille et très patiente, qui avait quelques conseils intéressants à donner après avoir examiné la délicieuse courbe en S de mon dos scoliotique et écouté la liste de mes symptômes les plus prononcés. Elle avait d'ailleurs une explication assez logique à proposer pour mes douleurs au milieu du dos (conséquence d'après elle de la combinaison de ma mauvaise posture dans la partie supérieure de la colonne et de la position assise prolongée sur une chaise sans support approprié), ce qu'aucun médecin ni physiothérapeute n'avait eu l'idée d'évoquer jusqu'à présent. Ça peut paraître assez évident quand on y réfléchit un peu, mais personne, jusqu'à présent, n'avait ni proposé cette explication ni suggéré que je fasse quelque chose à ce sujet. On a essayé plusieurs chaises ensemble avec l'aide et les conseils d'un vendeur spécialisé et on a fini par tomber d'accord sur le fait que celle que j'avais empruntée quelques jours auparavant (et sur laquelle je suis assis en ce moment même) était probablement la mieux adaptée de tout le lot. Bon support pour la courbe du dos, sans être trop marqué, bons accoudoirs réglables qu'il faut semble-t-il que j'utilise pour soulager mes épaules, bons réglages d'inclinaison, de hauteur, etc. Bref, un peu par hasard, j'ai semble-t-il choisi la bonne. Il n'a pas été question de fabriquer une chaise sur mesure à partir de divers composants, alors je n'ai pas insisté. Je crois bien que celle-ci va faire l'affaire.

Évidemment, après avoir essayé toutes ces chaises, j'avais bien mal au dos, ce qui, il y a peu de temps encore, m'aurait peut-être inquiété davantage vu qu'il était prévu que nous sortions dîner chez une amie le soir même et que je n'avais pas envie de me sentir trop mal à cette occasion. En l'occurrence, l'inquiétude n'a été que superficielle et la soirée s'est assez bien passée. J'ai relativement bien mangé pour mon « dernier souper » avant le régime au bouillon, aux sorbets et aux jus de fruit commencé ce matin pour le lavement baryté de lundi et j'ai assez facilement trouvé l'énergie de participer à la conversation.

Régime commencé donc ce matin. Pas trop grande faiblesse encore (elle risque d'être plus marquée demain). Du coup — et comme je ne pourrai sans doute pas m'y rendre lundi après le lavement —, je suis allé à la piscine une nouvelle fois cet après-midi, après y être déjà allé hier. Eau un peu plus sale et un peu plus de monde que d'habitude — en particulier deux ou trois personnes âgées faisant la grenouille au beau milieu du bassin entre lesquelles il fallait slalomer —, mais ce n'est rien, évidemment, si on compare ce qu'on a ici à notre disposition à l'affluence dans les grandes villes et je ne vais certes pas commencer à me plaindre. On a même eu droit à de la musique classique au lieu du poste de radio communautaire habituel et de sa musique populaire francophone un peu abrutissante. Après quelques longueurs à vitesse modérée, à faire la planche dans la partie peu profonde, à l'écart, le dos détendu, les oreilles immergées percevant juste de la musique ce qui parvenait à pénétrer sous la surface de l'eau, c'était presque beau.

Réussi aussi à pondre un article pour P. ce matin alors que j'avais dit il y a deux jours à S. que je n'étais vraiment pas en grande forme et que je ne pouvais rien promettre. Article tournant autour de Napster, du format MP3 et de la réaction actuelle des maisons de disques. Rien de bien transcendant, rien de « nouveau » pour moi du point de vue du travail d'écriture proprement dit, mais si ça peut rendre service... On va bien voir ce qu'il en dit.

Je songe, quand même, à tout ce que je fais naturellement en anglais à l'heure actuelle, à ce que ça signifie pour moi, pour mon travail d'écriture, puisque je suis loin encore, malgré tout, d'avoir vraiment l'aisance nécessaire pour pouvoir créer dans cette deuxième langue, j'en suis encore à des balbutiements, j'espère simplement que ce n'est pas trop horrible.

Ils veulent supprimer 15 lits à l'hôpital de Y***, il y en a déjà si peu, je ne sais pas quoi faire, quoi dire devant une telle bêtise, un tel cynisme, je suppose qu'il faut être à la place de ces hommes politiques qui prennent les décisions pour comprendre comment ils peuvent penser qu'équilibrer le budget gouvernemental mérite qu'on mette en danger réel la vie d'un certain nombre de patients. Quoi qu'il en soit, en tant que « malade » chronique moi-même (quoi qu'on dise) qui « fréquente » le système depuis près de cinq ans, je ne peux pas m'empêcher d'avoir peur, pas seulement pour moi, mais aussi pour tous les autres qui sont bêtement innocents comme moi, qui ont simplement le malheur de tomber malade et d'avoir besoin d'aide. J'arrive un peu à comprendre l'ignorance dans laquelle peuvent se trouver ceux qui n'ont jamais fait l'expérience de la maladie, parce que j'ai moi-même été, pendant longtemps, de l'« autre côté » de la barrière, sans me rendre compte de ce que tout ce que cela pouvait signifier, être malade — mais notre premier ministre est un ancien médecin ! Si j'avais jamais l'occasion de lui parler en tête-à-tête, j'aurais quand même envie de lui poser quelques questions un peu « délicates ». En attendant, je pourrais toujours envoyer des lettres au torchon régional, je suppose. L'avantage de l'anglais pour moi est justement que j'arrive encore à y être plus « naïf » dans mon expression, j'arrive plus facilement à me résoudre à utiliser des procédés rhétoriques « traditionnels », parce que je ne maîtrise pas encore assez la langue pour pouvoir les pervertir et devenir par là même, je suppose, moins « lisible ».

Bon, ben c'est l'heure du bouillon de boeuf et du sorbet à la framboise et à l'orange, je crois bien.

Z - Days 14 & 15 Z - Days 18 & 19

© 2000 Pierre Igot

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