Z - DAYS 6 TO 9


Trois jours à peu près épouvantables. Pas la force d'en parler ici. Même maintenant, c'est juste. Combinaison de facteurs, je suppose : passage du C au Z qui se fait enfin sentir, décision de réduire le R de 2 à 1 par jour en même temps, manque de confiance en Dr A. parce que son approche s'écartait des recommandations de la monographie et puis toujours l'ensemble des causes mystérieuses qui font que j'ai tellement mal au dos, au ventre, etc.

Dr A. m'a évidemment reproché de ne pas l'avoir appelé au téléphone si j'avais des doutes concernant ses recommandations, il a raison, je suis un peu têtu dans mon genre, il me dit que ces recommandations de la monographie, personne ne les suit, que ce sont juste des « lignes directrices » très prudentes, lui, il a son expérience clinique, celles de ses collègues, etc. C'est vrai que, comme il s'est depuis le début présenté comme un spécialiste de la psychothérapie avant tout et comme il avait l'air d'oublier d'une fois à l'autre les doses exactes que je prenais, j'ai eu l'impression que les médicaments psychotropes, c'était pas tellement sa spécialité. Maintenant, il faut que je lui fasse confiance, sinon on ne va arriver à rien.

J'ai aussi vu J.W., la psychologue (« elle n'est pas docteur » s'est empressée de préciser la secrétaire quand j'ai dit « Dr W. » en arrivant). C'est un peu le jour et la nuit, elle et Dr A., par certains aspects. Elle n'est pas médecin, comme dit, elle a juste une maîtrise en psychologie et une certaine expérience, je suppose (elle est encore assez jeune) — par contre, quand je me suis mis à raconter le cauchemar de 1995, elle s'est assez vite mise à exprimer sa compassion à l'aide d'exclamations d'incrédulité, de surprise, de désolation, etc., ce que n'a jamais fait Dr A. (Il m'a bien parlé à l'occasion d'avoir sa « sympathy » à offrir, mais il ne l'a jamais fait jusqu'à présent.) Et puis elle m'a posé certaines questions très pertinentes à mon avis (sur mes velléités d'auto-destruction dans ma jeunesse, par exemple), que Dr A. ne m'a jamais posées. Elle m'a aussi exposé de façon très claire l'approche qu'elle se proposerait d'adopter si on se lançait dans une thérapie — là encore, exactement le contraire de Dr A., qui, comme il me l'a encore répété lors de la dernière session, ne peut pas m'expliquer comment sa psychothérapie marche.

Seulement, il va falloir que je choisisse. Je ne peux pas suivre deux thérapies en même temps, si différentes soient-elles. De toute façon, J.W. est partie en vacances jusqu'à la deuxième semaine d'août, alors je ne la vois pas avant ça et je continue avec Dr A. pour le moment. Mais c'est un peu difficile. Je suppose que la compassion ne garantit rien du tout, que la formation de J.W. est beaucoup plus légère que celle de Dr A., d'ailleurs, quand elle m'a présenté son approche, j'ai quand même eu un peu l'impression d'entendre quelqu'un réciter un manuel scolaire.

Alors je ne sais pas.

De toute façon, pour le moment, je continue avec Dr A., il faut aussi voir ce qui va se passer avec le Z, peut-être que d'ici au 9 août, il y aura quelques signes au moins, pour le moment, c'est encore la confusion la plus totale, l'énormité de la douleur m'abrutit, je me dis que ce n'est pas possible, je désespère, cette piste de « physical medecine » évoquée par le gastro-entérologue ne mène à rien, d'abord c'était pas de rendez-vous avant février 2001 (!), maintenant, je suis sur une liste d'attente avec un autre médecin, ça va encore prendre des semaines sinon des mois, qu'est-ce que je suis censé faire avec cette douleur au dos, moi, malgré mon état encore assez déplorable ce matin, C. m'a poussé à aller à la piscine à midi, c'est étonnant, dès que je suis entré dans l'eau, la tension s'est relâchée partout, j'ai traîné, j'ai même nagé vingt longueurs, tous les vieux réflexes, la brasse, le crawl, sont revenus immédiatement et j'ai eu le sentiment d'être transporté quatre ans en arrière, à l'époque où ça commençait à aller mieux, il y avait d'ailleurs les mêmes personnes dans la piscine, elles ont à peine eu l'air surpris de me revoir, je ne suis pas bavard, je ne me suis pas lancé dans des explications à rallonge, j'ai nagé, c'est tout et c'était bien. Dès que je suis sorti de l'eau, au bout de vingt-cinq minutes, un poids m'est retombé dessus, évidemment, mais j'ai espoir que ça ne va me faire que du bien (on va voir dans l'après-midi et la soirée), puisque la marche, pour le moment, ça semble hors de question, si ça va, je vais y aller au moins trois fois par semaine, commencer à un rythme doux, comme ça, et puis augmenter la cadence pour que ça redevienne vraiment de l'exercice physique si ça va.

Dr D. (médecin de famille) a téléphoné ce matin, elle voulait parler à C. de questions la concernant elle, mais elles ont quand même parlé de moi aussi, évidemment, les antibiotiques ne m'ont pas débarrassé du parasite, il fallait s'y attendre, c'est tenace cette cochonnerie, qu'est-ce qu'on fait maintenant, toutes les prises de sang du gastro-entérologue ont donné des résultats négatifs, comme d'habitude, vous n'avez rien, monsieur I., sous-entendu, c'est tout dans la tête, s'ils savaient ce qu'il y a dans cette tête-là, ils verraient bien qu'il n'y a plus de place, que ça déborde et que c'est pas avec des réponses comme ça qu'ils vont m'aider, mais veulent-ils m'aider, ça n'est pas évident, ça n'est pas grave, pour eux, de toute évidence, la secrétaire de l'autre docteur en « physical medecine », quand je lui ai dit que j'allais de mal en pis, que je voulais un rendez-vous le plus tôt possible, elle m'a dit que le gastro-entérologue disait que c'était chronique, que ce n'était pas nouveau, ça voulait donc dire pour elle que ce n'était pas urgent, il a souffert comme un chien pendant cinq ans, il peut bien souffrir pendant quelques mois de plus, n'est-ce pas, côté sympathy, elle a quelques progrès à faire, celle-là, elle m'a mis sur liste d'attente, mais à contre-coeur, de toute évidence, pas convaincue, de quel droit elle me juge, celle-là, rien de plus rageant, c'est après cette conversation téléphonique-là, hier matin, que j'ai de nouveau craqué, dans les bras de C., c'était une accumulation de choses, la douleur qui revenait de plus belle, ce genre de conneries, l'impasse, rien à faire, et toujours aussi mal, je ne sais pas, il y a des moments où je n'en peux plus, c'est tout.

Cet après-midi, c'est un peu plus calme, peut-être la piscine, peut-être aussi que Dr A. a raison, j'ai pris la dose qu'il m'a recommandé de prendre hier soir (100 mg de Z au lieu de 50, pour « remplacer » le calmant que je ne prends plus), je me sentais bien mal ce matin, mais depuis ça passe, tout juste mais ça passe, j'ai même apprécié le repas de midi, C. a fait un dessert aux pêches avec des amandes, de la cannelle et du gingembre, c'était succulent, il fait si beau dehors — et pourtant je ne peux pas oublier ces moments encore si frais dans ma mémoire où j'avais si mal, ce matin même en me réveillant, hier matin, quand j'ai fondu en larmes, hier après-midi, en revenant de ma dernière session avec Dr A. à Y***, tout seul sur l'autoroute à 120 à l'heure, j'avais mal, peur du mal, peur de craquer, toutes sortes de scénarios plus tragiques les uns que les autres s'emberlificotaient dans ma tête, et Chris Isaak qui chante « as long as I keep drivin' / I know that I won't die », il a le don de rassurer au bon moment, lui, je coupe le son, si les voitures derrière et devant moi savaient ce qui se passe dans la tête de ce conducteur-ci, mais non, il a l'air normal, tout à fait normal, il va juste un peu vite, mais il sort à la bonne sortie et il rentre chez lui, il sort de la voiture, sa femme l'accueille, il se détend un peu, ça n'a aucun sens, tout ça, mais ça continue, je ne sais pas trop quelle force il va me falloir pour en sortir, peut-être se souvenir qu'au début du traitement au C, ça a été un peu la même chose, c'est quand même ce que dit la monographie, il faut plusieurs semaines, elle vaut ce qu'elle vaut, la monographie, mais il ne faut pas s'attendre au miracle, mais quand même, il y a une semaine à peine, ça allait si bien (relativement parlant), ça allait tellement mieux, qu'est-ce qui se passe, y en a un peu marre de ces montagnes russes, mais on ne peut que s'accrocher, au petit mieux d'aujourd'hui, par exemple.

Peut-être que ce serait mieux que de revenir ainsi encore une fois (comme si je ne revenais pas assez dessus dans ma tête déjà) sur hier, sur avant-hier, peut-être que ce n'est pas une si bonne idée que ça, ce que je suis en train de faire, d'écrire.

Z - Days 4 & 5 Z - Days 10 & 11

© 2000 Pierre Igot

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