C - DAYS 16 & 17


Difficile parfois de faire la part du cycle des symptômes relevant du syndrome et des éventuels secondaires d'un nouveau médicament... En l'occurrence, le doublement de la dose de C semble avoir produit quelques effets que, au début du traitement, je croyais encore faire partie du syndrome. Rien de bien sérieux, mais une violence sourde, quand même, très « chimique » et, en cela, je suppose, impossible à confondre avec les symptômes physiques du corps qui s'est déréglé de lui-même. Tout d'un coup, trois heures après la prise de la pilule en l'occurrence un peu plus grosse (mais toujours de la même forme et de la même couleur, avec le creux rassurant au milieu), une espèce de nausée dans la poitrine, un peu plus haut que là où elle devrait « normalement » se situer, un sentiment d'oppression (sans douleur) et un léger affaiblissement général. Assez, en tout cas, pour ne pas pouvoir répondre au sempiternel (mais toujours nécessaire) « Ça va ? » par un petit « Ça va... » lâché avec le sourire. Non, là, ça reste de l'ordre du « Ça peut aller... », qui peut en dire long.

Un peu plus grave, ce soir, quand même, après une promenade un peu moins douloureuse pour le dos que la dernière (mais des un peu moins et des un peu plus comme ça, on en a déjà trop vu, ça manque de perspective, il faudrait que je me taise pendant quelques jours), ça a été la réaction de l'estomac lors de l'ingestion du repas du soir. Tout de suite une sensation de brûlure, des bouffées de chaleur, des renvois — une sensation de réouverture d'une plaie qui était censée s'être refermée il y a près de deux mois déjà. Ceci dit, d'après les tests, il n'y a peut-être jamais eu de plaie. Il y aurait eu des symptômes de plaie sans plaie, de la violence sans viol, de la fumée sans feu. Tout ça s'était plus ou moins apaisé, à l'époque, on ne sait trop comment, à force de tranquillisants, peut-être. Alors que voudrait dire, dans un tel contexte, alors que les tranquillisants sont déjà présents en force, cette fois-ci, le retour des symptômes de plaie ? Que voulaient-ils dire déjà à l'époque, d'ailleurs ? Y a-t-il eu, y a-t-il une plaie pas suffisamment visible, pas suffisamment conforme aux illustrations des derniers manuels de radiographie — ou même d'une nature complètement différente, invisible aux rayons X, invisible aux regards de tous ces êtres dont la curiosité et l'envie de trouver semblent avoir définitivement disparu ?

Il est peut-être trop tôt pour parler de retour, malgré tout. Il est 21 h et j'ai un peu plus mal qu'hier à la même heure, mais ce seront le réveil demain matin et le prochain repas qui décideront (ou peut-être avant ça la nuit). Pour le reste, je pourrais dire, toujours avec le même manque de recul qu'entraîne le caractère presque quotidien de cet exercice, que la tête semble commencer tout doucement à aller mieux. Les périodes d'abattement les plus désespérantes semblent commencer à régresser. Les variations atmosphériques semblent commencer à moins me toucher. Je sors me promener, je discute avec le vieil homme qui fourrage les hautes herbes au bord de la route avec un bâton dont l'extrémité est coiffée d'une espèce de tissu collant, je lui demande s'il cherche quelque chose, il me répond en bon parler acadien presque dénué d'anglicismes qu'il essaye d'attraper des tiques, de trouver les endroits où il y en a le plus parce que son chien en a déjà attrapé deux cent quarante depuis le début de la saison, je souris et lui souhaite bon courage, je passe mon chemin, je pense à d'autres choses, oh, je reviens bien sans cesse aux sensations qui me traversent le corps, aux pensées qui tournent en boucle dans mon esprit encore traumatisé par les crises de la semaine dernière, mais je commence quand même aussi à en sortir, à aller « prendre l'air », à me laisser aller à réfléchir de nouveau, le travail mécanique sur les mots et sur les pages n'est plus mon seul refuge contre la torpeur de l'angoisse, tiens, je risque même de recommencer à écrire des choses, qui sait, demain matin, je vous dis, on va bientôt savoir.

Merci à ceux qui m'aident.

C - Days 13, 14 & 15 C - Days 18 & 19

© 2000 Pierre Igot

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