C - DAYS 4 & 5


Ça a mal commencé. Ça a plus ou moins continué. Ça s'est un peu arrangé. C'est revenu sous une forme différente. J'ai dormi avec. Ça a été masqué pendant quelques heures. C'est revenu sous la même forme différente pour le reste de la journée — jusqu'au repas du soir. C'est en suspens.

Il n'y a que dans une situation pareille qu'on arrive à s'intéresser à ce que foutait John en 1975 avec sa pine pendant que Yoko était enceinte — et surtout, plus tard, à y penser, à s'en souvenir. Quand ça occupe une pleine page du journal globalement national et prudemment respecté par les pauvres d'esprit, même en quatrième section, y a une gêne, quand même. Donne envie d'envoyer de nouvelles insultes à ce rétracteur en chef qui m'énerve et appose son adresse électronique à sa signature (comme tous les autres, d'ailleurs). « Quand allez-vous enfin vous mettre à parler de choses sérieuses, comme de l'état de mon ventre, par exemple ? » Mais je peux pas mettre de caractères en italique dans mon message. Y me répondrait sûrement avec un message en HTML avec la zolie photo de son sourire de gay conservateur en couleur en haut à gauche et quelques « ILOVEYOU » en annexe, pour faire bonne mesure. Recyclable.

En dépit de toute la douleur et de toute l'angoisse (et sans doute un peu à cause d'elles), pris de la tentation de bâfrer. C'est pas qu'on se prive, mais on se retient quand même d'ingérer toutes sortes de choses prétendument « nocives » et on mange « sain » comme c'est pas possible. On perd accessoirement du poids, ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose, sauf quand il fait soudain un peu trop froid pour la saison et qu'on le sent dans les os parce que le corps ne s'y attendait plus et n'a plus de « réserves » pour masquer la chose. (Et quand il s'y attendra de nouveau, il fera plus chaud et il sera de nouveau pris de court.) On se dit qu'un bon petit coup, une bonne pâtisserie au beurre effacerait tout ça, ferait oublier, enverrait le « message de blocage » qu'il faut aux « portes de la douleur », comme le dit cent fois, à force de couper-coller les mêmes paragraphes tous les deux chapitres, ce lamentable gastro-entérologue américain dans son livre si mal écrit, si mal composé, si mal illustré, que je fais semblant de me demander encore pourquoi je me suis abaissé à l'acheter (achat en ligne trop facile, bien sûr). Le genre de livre qui humilie votre bibliothèque.

Si on m'avait dit, il y a dix ans, que j'allais un jour me précipiter sur des livres de la catégorie « SELF-HELP » comme si mon salut en dépendait, j'aurais bien ri. Maintenant, je ne trouve pas ça trop drôle, surtout que ça n'aide vraiment que quelques médecins plus ou moins médiatiques à remplir leurs poches à mes dépens.

C'était beau, mépriser les gens malades sans raison apparente. C'était très facile, aussi, surtout quand ils me faisaient penser à celle dont j'ai hérité la moitié des gènes, lesquels rient bien gras maintenant dans leur enfer protéique indéfiniment renouvelé. C'était surtout donc très intelligent de la part d'un colopathe fonctionnel et que sais-je encore. Qui se foutait au bide des coups de jeûne gratuit tous les deux jours histoire de se griser d'avoir faim. Ah, on peut dire que je l'ai bien bouzillé, mon système. Mais quand même. On ne regrette rien, hein ?

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© 2000 Pierre Igot

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